Histoire des faysses

 

Nous revenons de loin. Il y a plusieurs siècles, c’était un paysage montagnard rocailleux, aux pentes abruptes, incompatibles avec l’agriculture, qui s’étendait autour du site qui allait accueillir bien plus tard le moulinage. Avant l’avènement des faysses, ces terrasses bâties selon les techniques de construction en pierre sèche, la couche de terre était incroyablement fine, quand elle n’était pas totalement absente. A la place, de la pierre. Imposante. Omniprésente.

Les hommes l’ont taillée, agencée, orchestrée pour répondre à un besoin vital : disposer d’un sol (à peu près) plat sur lequel cultiver. Le peu de terre accumulé s’échappe à chaque épisode cévenol ? Alors, retenons-là. Comment ? Avec la plus abondante des ressources locales. Avec la pierre.
La contrainte se mue en aubaine.
L’obstacle devient renfort.
La dalle rocheuse devient soutènement.
Les murs en pierre sèche ne permettent pas seulement de palisser la pente, elle offre aussi la possibilité de recueillir une denrée habituellement si abondante, ici tellement rare : la terre. A l’arrivée des pluies cévenoles, l’eau cherche à emporter le sol avec elle. Les cailloux qui constituent le drain des murs laissent volontiers passer l’eau, mais retiennent la terre. Toute fuite est soigneusement désamorcée. La précieuse ressource n’a d’autre choix que de s’accumuler sur les faysses, qui deviennent… cultivables !

Jusque dans les années 1950, l’usage des faysses qui surplombent le moulinage de Chirols était étroitement lié à la vie de l’usine. Les ouvrières – principalement des femmes donc – travaillaient à l’usine le matin et, l’après-midi, cultivaient les terrasses mises à disposition par les propriétaires du moulinage pour leur propre alimentation. Les trois premiers niveaux étaient ainsi destinés à des potagers, alimentés en eau par le ruisseau du Bosc.

Au dessus des potagers se trouvaient des pruniers d’Agen, plantés par l’arrière-grand-père d’Etienne Plantevin, propriétaire de l’époque. En bord de murs, on trouvait de la vigne, comme sur beaucoup de faysses de la vallée. Ce système de culture a disparu avec le déclin de l’usine, laissant place à une plantation de pins laricio, alors subventionnée par l’État pour lutter contre l’abandon  des pentes auparavant cultivées.

Le printemps 2015 marque un tournant dans l’histoire des faysses communales. Des membres de l’association Longo Maï, accompagnés de deux chevaux de trait, sont chargés par la commune de Chirols de procéder à l’abattage et au débardage des pins laricio qui ont occupé les lieux durant une soixantaine d’années. Suite au chantier, une commission « Faysses » se monte au sein du Comité d’Animation de Chirols pour procéder à la réhabilitation et la remise en culture de ces parcelles. Des membres de cette commission s’attèlent à entretenir les faysses chaque année, afin de les maintenir dégagées et praticables. Aujourd’hui reprise par les habitants de Chirols et soutenue par la nouvelle équipe du conseil municipal, cette commission évolue et prend un nouveau souffle.