Valeurs et aspirations

Notre projet n’est pas tout prêt à l’emploi. Il ne s’agit pas de venir en consommateur·ice mais bien d’en être l’acteur·ice, disons même « l’aventurier·e ». Il se construit et se définit au fur et à mesure que chacun·e des membres et des partenaires y posent leur pierre. Car notre intention est d’expérimenter d’autres modes d’agir ensemble : nous pilotons le projet avec un groupe de 25 personnes à ce jour et nous affinons et adaptons à chaque étape notre mode d’organisation et notre travail en collectif. Nous tentons d’être à l’écoute de chacun·e sans plaquer des outils pré-conçus, mais en créant les nôtres, fruits des expériences que chacun·e porte et apporte. Nous essayons d’allier sérieux et festif, réunions et moments informels (apéro, repas, fête….)

Un projet d’une telle ampleur en auto-réhabilitation participative est rare voire inédit en France. Nous cumulons en plus l’envie de bâtir un lieu culturel autour de nos valeurs de solidarité (accueillir des personnes sans le sous) et d’écologie (faire avec des matériaux locaux, de la récupération, et en créant le moins d’impact énergivore sur l’environnement) et ce sont parfois des montagnes à gravir pour trouver les bonnes manières d’avancer. Mener un chantier sur de nombreuses années en bénévoles, créer un système de toilettes sèches et de récupération d’eau de pluie pour l’ensemble des bâtiments, trouver un mode de fonctionnement économique qui ne soit pas lourd pour les usager·es tout en étant soutenable pour nos structures, dialoguer avec les pouvoirs publics tout en gardant notre éthique première….parfois ça fait beaucoup ! Mais c’est aussi, ce goût de l’aventure et du défi qui nous plait.

Ouverture

Nos valeurs de base sont la souplesse, l’ouverture et la tolérance. 

Nous sommes nombreux·ses dans notre collectif et souhaitons accueillir de la diversité. Certain·es ont 25 ans, d’autres en ont 70. Certain·es sont athé·es, d’autres ont une religion, certain·es sont anarchistes, d’autres réformistes. Certain·es sont très sensibles à la préservation des chauve-souris, espèce menacée, d’autres à la préservation des outils du collectif, espèce saccagée, etc… . 

Ce qui est sûr c’est que nous ne sommes pas des extrémistes, peut être plutôt de naïf·ves idéalistes qui croient que l’on peut tous s’entendre si on se parle franchement et avec respect. Nous sommes avant tout des aventurier·es qui n’ont pas peur de transpirer et de se remettre en question.

On aime la diversité des opinions et des points de vue. On est très fier·es que quelques voisins chasseurs viennent parfois prendre l’apéro au Moulinage, que des ancien·es du village viennent jouer à la pétanque. Car on désire créer un lieu de rencontre, un espace pour discuter de nos accords et de nos désaccords.

Bien sûr, le collectif est catégorisé par l’environnement… néo-hyppie ardéchois, post bobo en quête de ruralité, anarchiste d’éducation populaire, fourmis pauvres se rassemblant en espérant devenir cigales… Le moulinage est parfois vu comme un Tiers-Lieu culturel, un Habitat participatif, un Oasis… Mais peu importe. Si on est souples, on peut danser avec ces appellations et ces catégories. Tant que l’on reste pluriel·les, ouvert·es, on évolue, on bouge, on respire.

Un autre rapport à l’argent, à la propriété… et au travail

Argent….

Notre projet n’a aucun but lucratif. 

Le foncier est détenu par la coopérative qui s’est structurée pour sortir le bien de la spéculation immobilière. Le fonctionnement des espaces ouverts au public et la vie culturelle du lieu sont portés par l’association L’Oeuvrière, association à but non lucratif. 

A l’inverse de l’idéologie de croissance et de développement économique pour dégager des bénéfices et notamment dans le domaine immobilier, nous avons pensé les statuts de la coopérative pour bloquer toute répartition des potentielles plus-values, en décidant de statuer pour des réserves impartageables. Tout ça a été le fruit de longues discussions. Pour rester un projet solidaire et ne pas rentrer au fur à et mesure des générations dans une gentrification, on a abouti à ce choix. Alors voilà comment ça fonctionne: plutôt que de rémunérer les détenteur·ices de capitaux, nous allégeons les charges qui pèsent sur les usager·es. Mais notre système des redevances mensuelles scindées en parts locatives et en parts acquisitives prend en compte la constitution d’une réserve destinée à faciliter les départs et les arrivées de nouveaux·elles coopérateur·ices pour pouvoir rembourser les apports de celleux qui partent en complément des apports de celleux qui arrivent. Ainsi, nos critères pour les nouveaux·elles arrivant·es ne sont pas basés sur les moyens financiers, mais sur la motivation à participer au projet, sur l’envie de construire ensemble un commun !

Ce commun est “garanti” par l’association, créatrice de la charte, à laquelle touste participant·e au projet doit adhérer.

Propriété…

« La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements » 

“L’usage et la gestion collectifs, souvent considérés comme propriété collective, existent depuis fort longtemps et sont bien attestés dans les sociétés et cultures traditionnelles. Les premières théories juridiques formelles de la propriété privée se constituent dans une perspective individualiste, en particulier dans le libéralisme.” (extrait de Wikipédia, article Droit de propriété)

Au Moulinage, on est en propriété collective. Ça signifie qu’aucun·e membre n’est propriétaire de l’espace qu’iel utilise, mais qu’à nous toustes, on l’est. Nous sommes des usager·es et avons pour devoir de prendre soin de ce lieu qui nous est mis à disposition et dans lequel on joue et on jouit ! Nous participons toustes aux charges et à la trésorerie nécessaires pour financer l’ensemble sans pour autant en disposer “de la manière la plus absolue”. Notre usage est questionné par le collectif afin de tenter d’être au plus proche de nos valeurs d’écologie, de solidarité et d’ouverture. C’est jamais évident, c’est jamais totalement cohérent, c’est jamais “absolu”. 

Travail…

Ainsi, notre projet  qui vise à ouvrir un quartier culturel, lieu de foisonnement créatif et de rencontres trans-classes, trans-générationnelles et trans-genres, fournir au plus bas coût des locaux d’activité et des logements éco-solidaires ne peut fonctionner que si chaque participant·e joue le jeu de fournir un important travail bénévole.

En effet, chacun·e s’engage à mettre en commun ses compétences en travaillant bénévolement sur la gestion, la réhabilitation, la vie et l’entretien du lieu. Chacun·e s’engage à respecter ses propres capacités et temporalités, ainsi que celles des autres, tout en veillant avec attention à l’avancée constante et durable du projet et à ménager une répartition équilibrée de l’effort au sein du groupe. La participation à ce travail a pour but l’épanouissement de soi, du groupe et du lieu.

Et ça marche ! Depuis le début de notre aventure en octobre 2015, nous expérimentons le fait de s’enrichir par l’acquisition de compétences, l’échange de savoir-faire et de connaissance et une grande stimulation humaine. Nous touchons à des domaines multiples (architecture, juridique, gestion, communication et bien sûr techniques de construction, de chantier…) qui sont autant d’occasion d’apprendre et d’acquérir des expériences inédites.

Voici quelques règles du jeu:

  • si je n’ai pas envie de travailler, je ne le fais pas. 
  • si j’ai envie de faire des reproches aux autres, c’est peut-être que je bosse trop !
  • si je ne fais rien alors que je pourrais, c’est peut-être que je ne trouve plus de sens, de stimulation… faut que j’en parle en plénière.

Par contre, le lieu est aussi un outil de travail professionnel pour beaucoup d’entre nous, notamment les artistes et les artisan·es. Si un jour le fonctionnement le permet, certain·es pourront aussi être salarié·es de nos structures. Car bien sûr, on n’est pas contre cela, mais ce n’est pas l’objectif premier dans notre rapport au besoin de travail qu’exige une telle aventure.